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Conférence de méthode
BMT1F - Conférence de méthode - Commentaire sur vos travaux
Bonjour,
Lorsque nous nous sommes quittés, je vous ai promis de commenter vos derniers travaux par écrit, car je ne pouvais le faire oralement faute de temps (dernière séance) ou faute de vous revoir (travail terminal).
C’est un exercice plus difficile et incertain que les retours que je vous faisais par oral lors des séances précédentes. A l’oral, on peut personnaliser le commentaire tout en exprimant des nuances, aller et venir entre les remarques individualisées et les aspects s’appliquant plus généralement, ce qui permet à chacun et à tous de trouver du grain à moudre. Par écrit, il serait hasardeux d’individualiser le commentaire en quelques mots ; quant au propos général, il risque de paraître… très général - ou d’être abominablement long. Allons-y quand même !
Quelques axes forts
Avant tout, je tiens à vous féliciter très sincèrement. Nous n’avons travaillé ensemble que pendant cinq séquences et, pour ne rien simplifier, sur une période de temps très compacte, alors que notre méthode suppose un travail important entre les cours. Malgré ces difficultés, vous avez globalement très bien "joué le jeu" et je suis impressionné par votre travail et surtout par ses résultats.
Bien sûr - ça, c’était le plus facile - vous avez reconsidéré l’aménagement de votre temps, l’agencement de votre espace de travail, l’organisation de vos idées, la présentation de vos travaux, etc. Mais plus fondamentalement, comme en témoigne votre travail final, vous avez beaucoup progressé en maturité et en discernement, dans une période très brève. C’est très encourageant pour la suite, continuez ! En effet, ce n’est pas le moment de vous reposer sur vos lauriers, il reste du chemin à parcourir…
De grandes disparités
Voilà pour les axes forts, essentiels, sur lesquels on peut dégager des tendances qui vous caractérisent tous, à des degrés divers. Pour le reste, on ne peut pas tenir le même langage à tout le monde.
Commençons là aussi par le plus facile : la maîtrise de la langue connaît une dispersion spectrale impressionnante ! Quelques-uns sont presque mûrs pour l’Académie française (!) ; d’autres (plus nombreux) doivent s’attaquer très sérieusement à ce qui sinon deviendra très vite un handicap ; et entre-deux il reste de gros efforts à faire. J’y insiste à nouveau. Et je ne parle pas uniquement de l’orthographe, voyez aussi la syntaxe. J’ai apprécié certains progrès très encourageants, mais il faut aller bien au-delà.
Sur les autres aspects, il faudrait formuler beaucoup de nuances et, pour faire court, je vous invite à aborder vous-mêmes ce qui suit avec nuance. Pour la même raison, je ne retiendrai que quelques points importants. Voyons d'abord ce qui est simple (s’organiser…), avant d’envisager un peu plus de complexité.
S’organiser, "sur mesure"...
Vous avez tous peu ou prou exprimé une prise de conscience de l’importance qu’il faut accorder à l’organisation et à la gestion de son temps ou de ses moyens. En effet, c’est capital et il semble que les notions de Gantt simplifié ou de rétroplanning, par exemple, fassent désormais partie de votre quotidien. Au-delà des aspects fonctionnels "au premier degré" de ces outils, il est important de réfléchir sur leur sens profond, car cette réflexion aura des retombées pratiques dans bien d’autres circonstances. Ces outils combinent des tâches, des moyens et des contraintes (dont les deadlines, mais pas exclusivement) : les relations ou les équilibres entre ces trois termes sont des entrées intéressantes pour aborder nombre de situations complexes que vous devrez aborder avec méthode (voir également la marelle stratégique).
Vous êtes nombreux aussi à avoir bien compris ou ressenti que l’organisation - de l’espace, du temps, de l’énergie et de l’information - relevait de démarches personnalisées et non de techniques reproductibles ou autres recettes valables pour tous en toutes circonstances. Là comme ailleurs, c’est à vous qu’il appartient de choisir vos méthodes, voire de les inventer. Certains ont eu plus de mal à l’admettre et voudraient des solutions toutes faites. De même, ils attendent "le" corrigé... et ils s’étonneront que cette note n’en soit pas un ! Espérons que cet étonnement les incitera à s’interroger sur le rôle qu’ils ont à jouer eux-mêmes dans la façon de traiter ces questions qui les concernent personnellement.
A ceci près, toutes ces notions sont dans l’ensemble bien assimilées et vous n’avez pas à vous forcer parce que, vous le dites vous-même, ça marche, ça aide bien… N’oubliez pas, quand même, que si ça marche, c’est parce que vous avez essayé - comme au loto, on ne peut gagner que si l’on a tenté sa chance ! Cette règle s’applique à bien d’autres choses, que vous pourriez utilement expérimenter et j’insiste à nouveau : utilisez les manuels de méthode, ceux que je vous ai indiqués ou d’autres, faites des expériences à partir de ce qu'ils proposent, vous en tirerez le plus grand profit.
Procrastination, motivation, dispersion…
Les apports de ces manuels sont précieux aussi pour vous aider à mieux vous connaître vous-mêmes, à comprendre vos rythmes biologiques, vos capacités de concentration, vos caractéristiques de mémorisation, etc. Il y a là beaucoup à gagner, en termes de performance de vos efforts mais aussi de qualité du résultat et de plaisir ou autres satisfactions. Vous avez été moins nombreux à reprendre ces aspects, alors je vous y invite. Vous vous intéressez notamment à la procrastination - et en effet c’est important. Certains pour s’en accommoder, d’autres pour la combattre, d’autres pour la dépasser, le plus souvent en utilisant le levier de la motivation : on est moins tenté de différer les taches lorsqu’on prend plaisir à les accomplir ou lorsqu’on attend beaucoup de leur résultat…
Quelques-uns ont abordé cette question (ou d’autres questions comme la dispersion) en relation avec le stress, autre préoccupation importante. Par exemple, les uns peuvent s’accommoder de la procrastination si elle stimule leur stress positif, alors que d’autres la combattent à cause du stress négatif qu’elle induit. Là encore, à chacun de faire ses choix. Mais là encore, pour faire des choix éclairés, allez voir de plus près les manuels.
Travail en groupe
Se connaître soi-même, avoir une vue un peu claire de ses goûts, de ses aptitudes ou de ses limites, c’est très important dans une optique de développement personnel. C’est une partie du savoir-être. Une autre partie est l’intelligence collective, l’aptitude à s’entendre avec les autres, la capacité de s’ouvrir à leurs différences, à leurs apports. Point très important sur lequel je ne m’étendrai pas car vous l’avez souvent évoqué : le travail en sous-groupes impose certes des contraintes, mais en contrepartie c’est une source d’enrichissements multiples ; de même, lors des présentations (individuelles ou collectives) devant le groupe plénier, on gagne beaucoup quand la "peur du regard des autres" laisse la place à un échange qui apporte autant à ceux qui présentent qu’à ceux qui critiquent leur prestation...
Confiance
Plus profondément encore, ces différents points (organisation maîtrisée, connaissance de soi, motivation, capacité relationnelle...) sont à la fois causes et conséquences de la confiance sous toutes ses formes. Avoir confiance en soi, bien sûr, à la base, mais aussi pouvoir faire confiance aux autres, avoir confiance dans les organisations ou systèmes, ainsi que dans les processus que l’on s’efforce de maîtriser. Avec tout ce qui en découle quant à la façon d’aborder l’art du management - vous aurez l’occasion d’y revenir par ailleurs.
Processus, procédures, règles...
Puisqu’il est question de processus, juste un mot, après avoir déjà insisté en cours sur la portée de cette notion : j’ai rencontré ici ou là quelques confusions entre processus et procédures, ou encore entre processus et règlement ou règles du jeu. Attention, cela n’a rien à voir ! Ce n’est pas le lieu de développer ce point, mais vous pourrez l’approfondir par vous-mêmes.
Dans le prolongement des confusions, il faudrait aussi évoquer quelques problèmes de logique, notamment à partir de vices de raisonnement parfois presque imperceptibles - mais il y a là matière à plusieurs cours...
3e degré
Derrière celle de processus, nous avons abordé la notion de paradigme. Un peu rapidement, certes, du fait des circonstances, mais j’ai constaté avec plaisir que beaucoup en avaient bien mesuré la portée. C’est pourtant assez difficile, un peu comme l’approche de la notion de 3e degré.
D’autres, plus rares, ont été réfractaires à ces diverses formes de distanciation (distanciation par rapport à soi-même, à ce qu’on fait, à ce qu’on voit ou entend, à ce que pensent les autres...). Cela se traduit notamment par une sorte d’enfermement dans des certitudes, qui peut prendre des formes multiples. Par exemple "depuis toujours je suis bien organisé et je ne vois pas pourquoi je changerais". Disons simplement que ce qui marche dans un contexte donné ne marche pas nécessairement dans un autre. Les méthodes mises en œuvre au lycée ne sont pas les mêmes qu’en maternelle. De même, dans la vie professionnelle, on est confronté à une complexité qui requiert une organisation différente de celle du lycée. Il n’est certainement pas raisonnable de "s’accrocher" à ce qu’on connaît, simplement parce que cela marchait précédemment, comme si les données du problème ou les caractéristiques de l’environnement n’avaient pas changé...
Une façon de reformuler ce qui précède et de lui donner une portée plus générale est de citer Bernard Werber raillant la prétention aveugle de ceux qui ne comprennent pas le 3e degré, "qui sont très fiers de comprendre le 2e. Et qui croient que tout ce qui n'est pas au 2e degré est au 1er". Une dose d’humilité est toujours la bienvenue...
Il y aurait bien d’autres choses à ajouter, mais cette note ne doit pas devenir un roman fleuve. Donc, restons-en là. Bien sûr, vous savez où me trouver. Peut-être aurons-nous l’occasion de travailler ensemble sur les prolongements de ces questions (1) ?
Quoi qu’il en soit, je vous souhaite bon vent pour la suite !
Bien cordialement
Jean-Pierre Quentin
(1) En particulier, certains ont commencé à organiser leur pensée à l’aide de nuages de mots, voire d’associogrammes ou autres schémas heuristiques. C’est très intéressant et cela fait partie des méthodes incontournables pour combiner la rigueur (dont nous nous sommes un peu occupés) et l’intuition ou la créativité (qui font partie des prochaines étapes...). En attendant des cours plus approfondis, n’hésitez surtout pas à poursuivre vos propres investigations dans ces directions !Voir > Apprendre à désapprendre