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Apprendre à désapprendre
Autre contexte, autres références, autres pratiques...
Quand le monde "tourne autrement", on a besoin de nouvelles références permettant des analyses plus pertinentes et une action plus efficace. On a aussi besoin - tâche bien plus délicate - de désapprendre des références périmées...Père de la démarche prospective, Gaston Berger nous a alertés vers 1950 : rien ne s'était passé depuis le néolithique et voilà qu'à nouveau, il va se passer quelque chose. Il prônait une attitude volontariste pour saisir les opportunités de la mutation globale qui s'amorçait : nous avons des moyens de connaissance et d'action sans précédent, dans un environnement en totale recomposition... soyons imaginatifs et ambitieux ! L'appel n'a pas été entendu. Un peu par refus de la mutation, beaucoup par désarroi devant son caractère global : il faut relier ses aspects techniques, économiques, sociaux, culturels, politiques, institutionnels... mais l'ère industrielle nous a appris au contraire à tout cloisonner dans des approches spécialisées. On a besoin d'assembleurs, on ne sait fabriquer que des experts. Il faut désapprendre avant d'apprendre, disait Erasme, ajoutant que la première tâche est la plus difficile des deux. Mais comment faire ?
Désapprendre ne signifie pas renoncer à l'expertise, mais sortir de ses schémas exclusifs ou réducteurs, combiner la connaissance experte et la vision prospective qui regarde loin, large, profond, prend des risques et pense à l'homme. Dans une société complexe, ces "passerelles prospectives" entre expertises requièrent une communication élaborée. D'où l'objectif de cette chronique, depuis 1995 : entraîner le lecteur à désapprendre, pour maîtriser au quotidien la complexité et le changement, dans une démarche de communication stratégique et prospective. Ce 65e article tire un fil rouge entre les précédents, reliés chronologiquement autour de quelques grands thèmes de désapprentissage. La formulation est nécessairement cursive, plus percutante mais moins nuancée : on ne résume pas en 2 lignes des articles de quelques pages ; le mieux est de (re)lire les articles !
L'entreprise écocentrée
Notre environnement complexe et changeant accroît l'interdépendance entre individus, entreprises et institutions. Leurs jeux et enjeux s'entrecroisent sans cesse : information et pouvoir, communication et influence, coopération et innovation... Illustration avec quelques caractéristiques de l'entreprise écocentrée, qui succède à l'entreprise égocentrée :Le lobbying s'impose désormais à tous, y compris PME ou associations, comme condition de l'autonomie dans l'interdépendance : principes et mode d'emploi. >> Le lobbying à la portée des PME
Le management change de nature : pourquoi et comment fonctionner "autrement". >> Information et management : plus, mieux... et autrement !
Le réseau devient omniprésent : comprendre sa logique pour en tirer parti. >> Réseau : préalables pour ne pas se prendre les pieds dans le tapis
L'information, notre principale matière première et notre premier produit fini, comporte bien des pièges : comment les repérer et les déjouer. >> L'information et ses pièges
Au-delà de l'analyse des manifestations du changement, la prospective identifie des lignes de force sur lesquelles fonder des choix courageux et responsables. >> Signaux faibles et tendances lourdes
Fertilisation croisée
Qui se ressemble s'assemble, dit-on. Pourtant, selon les lois de l'évolution, le progrès vient du métissage, pas du clonage ou de la consanguinité. Mais sans tout mélanger, sous peine de confusion inextricable, comme le montrent des approches métissées de la communication :L'essor du lobbying est lié aux interférences accrues entre des jeux d'acteurs en apparence très éloignés. >> Lobbyings d'hier et de demain
Dans la communication, fond et forme sont certes complémentaires, comme l'amont et l'aval, mais surtout en forte interaction. >> Forme et fond, le riche et le pauvre ?
Souvent redouté, le choc des cultures est en fait une précieuse ressource pour l'innovation et le développement. >> Multilinguisme ou espéranto ?
Dans la société de la désinformation, où prospère la rumeur, on doit composer avec le faux pour promouvoir le juste. >> La rumeur, entre pensée magique et désinformation
Ainsi, la prudence, vertu cardinale, doit souvent composer avec son avatar, la précaution, qui pour nous égarer s'érige en principe et s'allie avec une conception pervertie du risque. >> Principe de précaution... ou vertu de prudence ?
Jeux collectifs
Standardisation, uniformisation, massification... ont réduit les relations collectives à des rapports simplifiés entre blocs ou catégories. La société de l'information a inversé le mouvement (individualisation...) mais les vieux réflexes jouent encore ; visions simplistes et réalité complexe ne font pas bon ménage. Aspects de ce décalage :Le coaching peut favoriser l'intelligence collective (partnership), mais reste souvent axé sur le développement personnel (leadership). >> Le coaching à la façon d'Agatha Christie
La gouvernance a besoin de la société civile, mais on préserve la division des tâches : public/privé, macro/micro... >> L'entreprise, acteur de la vie publique ?
Avec la glocalisation, l'entreprise n'est plus soit mondiale et rigide, soit locale et agile ; elle doit combiner présence globale et acceptabilité locale. >> Small peut-il encore être beautiful ?
La confusion, ou mélange des genres, complique souvent l'approche de relations complexes. >> Apologie de l'irish coffee
Une clé de la cohérence : la stratégie, dans la construction et la conduite des relations. >> Comment se faire des ennemis sans parvenir à ses fins
L'incertain instable
Le monde a changé. Après les certitudes d'hier, on cherche "les nouvelles certitudes", mais elles sont introuvables ou illusoires, car plus fondamentalement, l'incertain instable devient la règle : on doit apprendre à s'accorder avec l'incertitude et le mouvement permanent.Le virtuel est un allié précieux ; il n'imite pas le réel, il le complète. >> La vraie vie est comme une page web
Un autre allié est le savoir-être, sans lequel savoir et savoir-faire valent peu. >> De l'éthique à l'étiquette
Jeux d'influence et manipulation peuvent être d'importants facteurs de déstabilisation... ou de régulation. >> Du piège abscons à la soumission consentie
Le zapping s'impose. Il n'exclut pas fatalement la vision organisée. >> Blinder le mollusque ou structurer le zapping ?
Intuition, imagination, empathie... les ressources du cerveau droit aussi sont structurantes. >> Nez dans le guidon, ou nez au vent ?
Leadership et partnership
Qui décide ? Moins un chef qu'un ensemble de processus. Processus décisionnels et, de plus en plus, processus coopératifs très diversifiés d'un monde en mutation, d'une société en réseau, avec lesquels on n'est pas toujours en phase...Coopération : en Europe comme dans l'entreprise, le modèle union libre remplace le modèle mariage. >> Processus coopératifs : l'Europe défricheuse
Décision : les mesures disparates menacent la vision cohérente. >> Le clou qui dépasse attire le marteau
Inertie : les mutations écrasent l'accélérateur, les institutions serrent le frein. >> Le retard du "politico-institutionnel"
La technologie voudrait nous aider, elle permet tout ce qu'on veut, mais on ne sait pas quoi lui demander. >> Apprivoiser les technologies combinatoires
La communication peut servir le meilleur (relation partenariale) ou le pire (manœuvres démagogiques), selon comment les jeux de pouvoir sont régulés. >> Constitution européenne : faut-il tout jeter ?
Le sens du changement
Evolution, rupture, innovation... le changement est dans l'air du temps, mais ce n'est pas une fin en soi : quelles sont ses finalités, à quelles conditions ?En amont se pose la question du paradigme, du schéma conceptuel auquel on se réfère : à quel changement pense-t-on ? >> Changer de changement, pour changer vraiment
Changement ou changements, synthèse et vue d'ensemble ou actions éparses, courtes, contradictoires ? >> Vertus du diagnostic clinique
Si le changement ne peut réussir que collectivement, la pédagogie est une condition majeure du succès. >> Prospective : une nouvelle pédagogie
Une autre est le décloisonnement à tous les niveaux : mentalités, spécialités, activités. >> Combattre le syndrome du dîner de cons
Une autre est qu'on ne se méprenne pas sur la nature du jeu qui se joue. >> Une Constitution très "tendance"
Complexité sans complication
Point commun : toutes deux rapprochent des éléments différents. Différence : la complexité les organise dans la cohérence, la complication les mélange dans la confusion.La simplicité est un complément de la complexité, elle la résout ; le simplisme s'y oppose, il la réduit. >> La simplicité se conquiert
L'expression du complexe ne pourra être claire que si l'intention est précisée. >> L'iceberg de la communication stratégique
Cause et conséquence de la complexité : la dématérialisation. >> Ressources et défis de la dématérialisation
Un autre corollaire est l'harmonie, fruit de la synthèse. >> Management-zapping ou management-synthèse
Synthèse difficile chez l'individu avec l'essor des aspirations, plus foisonnantes, fluctuantes et contradictoires que les besoins de la pyramide de Maslow. >> Des besoins saturables aux aspirations contradictoires
Mouvements de fond et de surface
Individualisme, mondialisation, économie numérique ou autres tendances : causes premières... ou dérivées de phénomènes plus profonds ?Des produits ou services à la mode peuvent procurer de grandes satisfactions. Mais n'attendons pas trop que les idées à la mode nous éclairent sur le sens des mutations profondes. >> Entre modes et méta-tendances
Superficiel, éphémère ou spécialisé, le blog ? Pas s'il s'inscrit dans un glob ! . >> Sans glob, on blog à part !
Surtout en surface, la réactivité permet de s'adapter au changement. Plus profondément, la proactivité permet de l'orienter. >> Etonnez-moi !
Encore faut-il actionner un levier pertinent, plutôt qu'un levier évident... >> Les 3 leviers : l'outil, la communication, l'organisation
Plonger plus profond passe aussi par l'identification de problématiques opportunes. >> Le problème, c'est le problème !
Systèmes fluides
Les systèmes mécaniques de l'ère industrielle étaient adaptés à un environnement solide, où l'efficience est dans la puissance qui exerce une pression : A agit sur B. Désormais, dans un environnement fluide, l'efficacité vient de l'influence qui oriente des flux : l'action modifie le système, qui est en recomposition permanente et rétroagit sur les acteurs.Cultiver le savoir-voir permet de mieux apprécier cette mutation et sa portée. >> Routine et critique cul par-dessus tête
Il en résulte de nouveaux champs des possibles, que la prospective confronte aux champs des souhaitables qu'elle explicite. >> L'entrepreneur, un philosophe en action ?
La pratique du réseau fluide est "contre culture" au pays de Colbert. La structure solide est devenue peu efficace mais elle résiste. >> Cluster contre Colbert
La société civile est un acteur-clé de la gouvernance fluide... mais elle ne le sait pas ! >> La société civile dans la gouvernance européenne
Pédagogie et communication, là aussi : quand on accepte seulement l'expression solide (linéaire, spécialisée, hiérarchisée), comment tenir un raisonnement fluide (systémique, transverse, interactif) ? >> Vues prospectives et systémiques au Café du Marketing
Médiations et soumissions
Plus facile à dire qu'à faire : changer ensemble. Chacun des deux termes donne de l'urticaire à certains. Alors si on les accole...Encore des confusions à traquer : le séquencement du changement exige qu'on respecte ses rythmes subtils. >> Réussir les cinq phases du changement
La panne durable de l'Europe montre que s'occuper des institutions ne compense pas l'absence de projet. >> Europe : panne... crise... rupture...
En amont des comportements politiques et sociaux, les institutions et systèmes peuvent par ailleurs avoir une vie propre que décrypte la mémétique. >> Pour décoder la manipulation ou le marketing viral : la mémétique
Les systèmes techniques aussi peuvent menacer notre autonomie si leur régulation a des lacunes. >> Méfions nous de l'intelligence ambiante !
Et bien sûr, puisqu'il est question d'humains, soucions-nous de manipulation... >> La communication stratégique et ses bouillons de culture
L'innovation interdite ?Interdite à tous les sens, interloquée ou non autorisée...
Toujours l'Europe... Grande innovation quand des visionnaires ont su braver les interdits, puis incapable de réaliser son aggiornamento à l'heure des gestionnaires de la pensée unique. >> L'aggiornamento européen se fait attendre
Les ambiguïtés des situations complexes ne deviennent des obstacles que si l'on refuse de les assumer. >> Europe : plus d'ambiguïtés que d'aggiornamento...
Et si l'on essayait la fuite en avant : mieux que l'innovation, la co-invention ! >> L'innovation, c'est dépassé !
Ce qui manque le plus, c'est souvent la perspective, quand on se repose trop sur l'expertise. >> Contre la prospective
C'est la grande faiblesse de la démarche technocratique, qui part de ce que l'on sait, pour résoudre un problème. Préférons-lui la démarche intentionnelle, qui part de ce que l'on veut, pour réaliser un dessein. >> Traquer les fausses évidences
Intelligences collectives
L'expression est au pluriel, car il s'agit à la fois d'intelligence prospective (comprendre aujourd'hui, construire demain), institutionnelle ("dresser" les organisations, systèmes, réseaux), relationnelle (canaliser les flux d'information et de relations)...Préalable : croiser plusieurs niveaux d'approche, tant pour l'analyse des situations que pour l'organisation de l'action. >> Contrôlez les niveaux 1 - Approche "micro" : les niveaux de la machine
Simultanément, mettre en harmonie les représentations mentales des divers acteurs concernés. >> Contrôlez les niveaux 2 - Approche "micro" : les niveaux du terrain
Définir des modes opératoires cohérents avec ces représentations. >> Des pyramides pour surfer ?
Inventer des organismes compatibles avec l'incertain instable, donc sui generis... >> L'avenir est aux organismes sui generis
Décloisonner les esprits, par exemple en jouant mentalement à saute-mouton. >> Variations pour saute-mouton
Des clés... ou du sens ?
Finalement... ou pour commencer, pourquoi ne pas désapprendre ce qui ne marche pas, notamment dans le management, la gouvernance, les médiations ? Avec un dénominateur commun : ne cherche-t-on pas trop souvent la recette préfabriquée ou la clé automatique, quand le besoin est au contraire de donner du sens ? Ce qui passe moins par le kit formaté que par un peu de sens commun, voire de gros bon sens... qu'on voudrait réhabiliter ici.La communication est pour cela un outil central, pour peu qu'on en fasse autre chose que de la cosmétique ou de la diversion. >> Les pieds ici... la tête là...
C'est particulièrement vrai du lobbying, qui peut aller bien au-delà de ses formes traditionnelles de communication d'influence. >> L'e-book, un nouveau minitel ou un futur TGV ?
Surtout si on l'utilise conjointement avec la prospective. >> Graisser la chaîne ou booster le système ?
Combinaison qui permet en particulier de trouver collectivement de nouvelles optiques pour envisager autrement la complexité et le changement. >> Mutation et effets d'optique(s)
Alors, pourquoi tout cela ? Pourquoi désapprendre ? Peut-être simplement parce qu'une société sans pensée critique n'est rien d'autre qu'un bouillon de légumes. >> Désapprendre pour comprendre
Source : Jean-Pierre Quentin, Apprendre à désapprendre, Technologies internationales n° 150, déc.2008.
Voir > Cartes heuristiques
Tags : prospective, information, désapprendre, synthèse, global, problématique, stratégie, organisation, management, réseau, connaissance, changement
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